Modèles : Dominique Vallée, L’Informelle, Lou Howard, Mélocy Semedo Tavares, Chloé Badeau, Benjamin Vernet
Maquilleuse : Chloé Badeau
« Un examen gynécologique c’est comme un viol consenti » voici les paroles d’une amie quand je lui ai parlé de mon projet, j’ai trouvé qu’elles sonnaient justes.
À travers cette série, j’ai voulu lever le tabou de l’examen gynécologique ainsi que des violences qui peuvent en découler.
Je traduis ici l’expérience traumatisante d’un examen à priori «anondin» qui tourne au cauchemar du fait de l’indelicatesse, de l’indifférence ou pire encore…
Nombreuses sont les femmes qui redoutent la consultation et certaines même, retardent cet instant jusqu’à la grossesse. Il est donc important d’avoir un médecin avec lequel on se sent en confiance surtout vu la régularité des rendez-vous : en moyenne 1 fois par an.
L’appréhension commence dès la prise de rendez-vous et va monter crescendo au moment du rendez-vous et de l’attente qui précède.
Ma série met en photo des scènes qui correspondent à des témoignages, y compris le mien. C’est un projet qui me touche personnellement. Quand j’ai découvert que je n’étais pas la seule concernée et que d’autres avaient vécu des situations plus éprouvantes, il m’a semblé important de le traduire ce traumatisme par des mots et dans mon cas, des photos. Cette série est ma thérapie et je l’espère un peu, celle des femmes avec lesquelles j’ai pu échanger.
Pour avoir un fil conducteur dans ma série, j’ai choisi 3 modèles «porte-parole» de ces témoignages que j’ai réunies au départ dans la salle d’attente. J’ai tenu à ce que le médecin gynécologue soit une femme. C’est une gynécologue qui m’a fait subir ces violences, ce que je trouve encore plus intolérable.
C’est à travers mon regard que vous vivez ces scènes où j’ai retranscrit ma vision et mes ressentis. J’ai traduit la dureté par une ambiance froide et distante sans tomber dans le sordide.
Sur chaque photo, la gynécologue est présente ou en partie pour garder une forme d’oppression.
Je rentre dans le vif du sujet avec la photo des spéculums de matières et de tailles différentes car mes photos ne visent pas seulement le public féminin. En parlant avec des hommes, je me suis rendue compte que peu d’entre eux sont au courant du déroulé d’un examen et des instruments utilisés. La simple vision du spéculum est quelque peu effrayante et m’a semblé être une bonne entrée en la matière.
Pour les trois photos suivantes, j’ai retracé un examen habituel, c’est-à-dire le moment en salle d’attente, l’attitude de la gynécologue parfois blasée, puis vient le moment de se dévêtir, premier sentiment de gêne et enfin, la palpation, plus ou moins délicate.
Mais le plus redouté, c’est l’examen vaginal et le frottis. J’ai mis en parallèle un examen habituel et un examen basé sur le témoignage d’une femme confrontée aux regards du médecin et de ses internes sans être prévenue au préalable.
Dans ce cas, le corps n’est plus qu’un objet d’étude, sans aucune considération pour l’être humain.
L’examen et plus encore le frottis, n’est pas agréable mais n’est pas censé provoquer de saignements, si ce n’est du fait de gestes trop brusques. Mise à part le sang, je voulais que l’attitude totalement détachée de la gynécologue se ressente à travers la posture de ses mains.
Il est difficile de parler de sa sexualité avec un inconnu, d’autant plus quand on nous assène des remarques déplacées telles que «vous êtes lesbienne ? Pourquoi souhaitez-vous une contraception, vous n’avez pas vraiment de rapports» ou encore des jugements sur le nombre de partenaires sexuels, une transition et bien d’autres…
D’après l’un des témoignages recueillis, lors d’un accouchement sans urgence, une infirmière est littéralement montée sur le ventre d’une femme enceinte, afin d’accélérer l’accouchement. Il arrive que lors de l’examen, le médecin doive remettre en place le bébé mais des violences comme celles-ci sont rarement nécessaires.
La prise de poids ! Un sujet de discussion qui revient fréquemment lors d’une grossesse.
Déjà bien présent dans l’esprit de la femme, la perspective de prendre trop de poids lors d’une grossesse devient source de stress. À cela s’ajoute la pesée et surtout le sermon délivré par certains médecins.
Infantilisation insupportable et mots blessants sans détours «vous êtes trop grosse !»
L’ignorance. Faire une fausse couche, ne pas comprendre ce qui se passe et personne pour expliquer la situation, laisser la femme dans l’ignorance totale puisque de toute façon «il est déjà trop tard».
Là encore, une situation avec des mots déplacés de la part du médecin suite à la perte d’un enfant. «Vous ne le vouliez pas vraiment, c’était un accident de toute façon ?!» ; «Le foetus, s’il y avait, n’a pas tenu, vous êtes complètement vide.» ; «Bon ça va, le deuxième a survécu, ce n’est pas si grave.» ; «Vous n’allez quand même pas faire un deuxième enfant ?» ou minimiser la perte selon la taille du foetus, comme si ce n’était rien.
Vous avez pu le voir avec les différentes photos, la violence n’est pas que physique mais également verbale. En sortant de mon rendez-vous j’étais moi-même encore sous le choc des paroles de ma gynécologue. Il m’a fallu presque 3 ans avant de consulter à nouveau et un examen qui n’est pas supposé être douloureux, devient insupportable et moment de torture.
Quoi qu’en puissent dire les médecins, il y a des conséquences, des gestes et des paroles dont on ne se remet pas ou difficilement. Il est temps d’en parler et de dire que ce n’est pas normal, il est également possible d’agir, de porter plainte par exemple, chose à laquelle on ne pense pas car nous ne sommes pas sensibilisées à ces situations, on se dit juste qu’on ne retournera pas voir ce médecin mais le problème est que d’autres patientes peuvent subir les mêmes choses suite à notre silence…